lundi 10 mai 2010

Les Colocs dix ans plus tard

Le 10 mai 2000 à 14h50, le gérant des Colocs, Raymond Paquin, faisait le pied de grue devant l'escalier qui menait au logement d’André «Dédé» Fortin, en attendant les autres: «Je devinais qu'il s'était fait hara-kiri et je m'en voulais à mort de ne pas l'avoir traîné de force à l'hôpital quand il s'était mis à délirer […] avec les mots de Mishima, de Lautréamont, de Cioran et des autres faux prêtres qui avaient documenté sa longue descente aux enfers.»

Ce matin-là, Fortin ne s’était pas présenté à une conférence de presse en compagnie de Richard Desjardins et de Mario Peluso pour annoncer une série de spectacles-bénéfices pour sauvegarder la forêt boréale.

Paquin est resté au pied de l'escalier lorsque Mike, Sélanie et Normando se sont immiscés par la fenêtre qui donnait sur le balcon arrière de l'appartement: «Je ne sais plus lequel de nous quatre a fait le 911, mais je n'oublierai jamais que le car de reportage de TQS était là avant la police.»

En moins de dix minutes, la nouvelle a fait le tour du Québec. «La famille et les amis de Dédé apprirent en même temps que tout le monde qu'il s'était suicidé à l'arme blanche et qu'il avait probablement beaucoup souffert avant de mourir.»

C’est dans la nuit du 8 au 9 mai que Fortin est allé au bout de son instant de mort en se plantant un couteau dans le ventre jusqu’à ce que la mort ait pitié de lui. La dernière fois que Paquin a vu son protégé vivant, Dédé était désemparé. «Ça faisait un bout de temps qu'il ne filait pas, mais là, c'était pire que tout.» Dédé cherchait une issue de secours.

Selon le rapport d'investigation du coroner, René-Maurice Bélanger, Dédé, qui a consulté un psychologue le jour de sa mort, était tourmenté par plusieurs choses, dont sa popularité, sa créativité, son instabilité amoureuse. Le psychologue n'aurait toutefois pas été en mesure de déceler la profonde dépression dans laquelle était plongée l'artiste.

On aimait croire que ses chansons lui servaient d'exutoire pour ses angoisses, que chaque texte, chaque spectacle, l'empêchait de sombrer dans la détresse, le désarroi. Dédé a emporté dans la mort son œuvre inachevée et la vraie raison de sa fuite.

Lors de son oraison funèbre, Richard Desjardins a chanté a cappella «Mon cœur est un oiseau».

La suite du numéro spécial en hommage aux Colocs sur le site officiel de Skarlatine.